Achorisme & Bosselutades
En quête du Sensible
C’est en fidèle disciple de la famille Achor que je vins écouter votre Achorisme ce mercredi 20 avril. Après plusieurs années de disette, mon anticipation était grande à l’idée de retrouver Jean-Paul et ses compagnons dans leur quête infinie pour la sensibilité la plus pure. Celle des interprètes… et celle du public. Je ne fus pas déçu car je retrouvais mes sensations intactes. Sensations que je vais tenter de formuler ici.
Alors que l’atmosphère caverneuse et glaciale du « Grand Amphi de Math » peut aisément anesthésier l’écoute et les zygomatiques au début des représentations, le velours de vos voix et l’humour de votre artisan nous enveloppèrent instantanément et ne nous quittèrent plus.
Mais comment font-ils pour irradier une telle chaleur dans cette grande cave presque vide ? pensais-je immédiatement. Leur nombre n’est pas impressionnant. Le nôtre non plus. Leur voix n’est pas imposante. D’ailleurs, ils n’imposent pas leur étincelle avec force et flamboyance, tel un orchestre ou un grand chœur. Leur feu est intérieur. Il couve, timidement, subtilement, léger et capricant parfois, mais sans faiblesse. Et vif ! Toujours, pour nous pénétrer plus intensément par vagues surprenantes et déconcertantes.
Comprenez-moi bien. Tout n’est pas lisse et parfait. Tout n’est pas réussi. Tout ne m’a pas coupé le souffle. Mon oreille, bien qu’acquise et bienveillante, n’en reste pas moins acérée. Mes commentaires ne sont ni flatterie simplette ni adulation aveugle. C’est sans doute ma sincérité parfois crue qui a poussé Jean-Paul à me demander de retranscrire les mots surgis en moi qui vos sons allais buvant. Car j’ai comme vous l’habitude de la belle musique. Je ne compte plus les concerts auxquels j’ai assisté ou participé, amateurs ou moins. J’ai maintenant « pratiqué » plusieurs chœurs. Appris de plusieurs chefs talentueux, inspirés et parfois inspirants. D’autres tours m’ont été montrés que ceux de l’espiègle Bosselut. D’aucuns apportent une précision clinique, d’autres la puissance et l’emphase. Parfois on s’attache à l’unité et à la qualité vocale de l’ensemble. Parfois on travaille la diction et le rapport au texte avec soin. Il m’a été permis de pousser davantage l’improvisation et ses trésors fortuits. Il y a un peu, plus ou moins, de tous ces ingrédients dans les recettes Bosselutiennes. Les plats interprétés par Achor sont complets et variés. Mais l’originalité de vos mélanges ne provient pas de la technique ou de la musicalité que l’on trouve aussi ailleurs, souvent.
Non, ce qui est miraculeux, c’est la sensibilité extrême qui transpire par tous les accords de vos chaudes âmes. Cette sensibilité cultivée par ses Bosselutades sans pareilles nourrit une finesse qui n’attend ni la précision ni la perfection.
Que vous interprétiez des pièces intimistes ou populaires, le toucher de votre son m’évoque celui d’une plume effleurant délicatement l’auditoire quand d’autres, pourtant musicalement habiles voire inspirés, utiliseraient de traditionnels crayons ou stylos. C’est pourquoi vous chatouillez affectueusement nos émotions, comme par accident, quand bien même la maitrise ne serait pas achevée. Les couleurs émergent gracieusement en courants entretissés. Puis elles se font plus prégnantes au détour d’un soufflet se gonflant par les gestes souples de l’équilibriste caracolant. Les rubatos échevelés se succèdent et tiennent l’auditoire en haleine devant des partitions qui pourraient pourtant aussi… plaire, gentiment, seulement. Même les silences, si difficiles à apprécier, prennent ici leur place en continuation de l’harmonie, tantôt ressort pour un élan impétueux, tantôt cédant comme un coussin moelleux.
Je m’arrête ici car j’ai déjà sans doute trop analysé ce qui, par essence, doit se ressentir. Mais vous voyez qu’il y a beaucoup à dire sur votre art, quand on a comme vous la sensibilité chevillée au corps… et la langue bien pendue.
Chaleureusement
Jérémy Basley