Astromusique…

Astromusique…

Le chant choral est tout simplement une fusée à étages vers le paradis sur la terre.

Pour vous en convaincre, j’ai interviewé quelques personnes. L’une, Sopr’Anne m’a avoué : « Au début, je suis venue à la recherche d’un plaisir égoïste, d’un petit vice bien planqué. » Comme beaucoup, elle a débarqué dans le chant choral pour prendre de l’assurance. Elle n’osait imaginer « chanter devant des gens sans devenir rouge comme un piment » et espérait acquérir une belle voix puissante sans être soupçonnée de vouloir se mettre en avant.
Et là, pour pouvoir progresser dans le chant choral, il lui a fallu lâcher le premier étage de sa fusée. En effet, cette idée de développement personnel centré sur sa propre voix est un obstacle à l’étape suivante, « apprendre à écouter les autres, ceux de son pupitre », nous dit toujours Sopr’Anne. Elle a compris que parvenir à un unisson parfait n’est pas si simple. L’unisson, c’est émettre la même fréquence que les autres, mais c’est aussi émettre le même timbre, la même couleur de voix, la même intention expressive et la même puissance vocale. Si l’on ajoute que la synchronisation rythmique est une forme d’unisson, la tension vers la « conformité » est totale, alors que la motivation de départ était d’affirmer sa différence.
Mais une fois cet unisson atteint, il est utile de larguer ce deuxième étage pour monter davantage : il faut accepter de se décentrer à nouveau pour pouvoir accéder « à cet océan de sons où tourbillonnent d’autres mélodies ».
Autrement dit, écouter les autres pupitres en conservant sa ligne mélodique propre et chercher une autre sorte d’unisson encore, celui d’une polyphonie tendue vers l’expression d’un monument en devenir.
Chanter en chœur, c’est vivre une sorte de métaphore d’utopie politique : donner de sa voix, affiner ses perceptions pour recevoir celle des autres en restant soi-même, réaliser un projet artistique explicité par un coordonateur1 qui ne peut guider et faire progresser la réalisation de l’œuvre que parce qu’il écoute avec empathie et rigueur la production du groupe. Exister en ayant une pleine conscience de la nécessité et de l’utilité des autres. Être acteur d’un processus qui « laisse entrer la musique, par l’intérieur ».2
Vous voici sur orbite ; vous pouvez maintenant goûter d’autres galaxies, d’autres cultures, d’autres temps, d’autres techniques vocales et murmurer ensemble les émotions humaines, l’émerveillement devant la nature, les mots d’amour légers ou ceux qui font « planer les monts et montagner les plaines »3, proférer ceux qui font trembler les murs devant la colère divine4 ou encore nous donnent envie d’être de bonne volonté pour que la paix soit sur la terre. Le paradis, vous disais-je !

1. Certains appellent abusivement ce coordonnateur le chef, c’est lui qui stimule chacun, veille à la cohésion du groupe et se met au service de la compréhension et de la cohérence de l’œuvre.
2. Je cite toujours Sopr’Anne.
3. Ce ris plus doux, poésie de Pierre Ronsard, musique d’Anthoine de Bertrand.Dies irae aies illa.

Achorisme & Bosselutades

Achorisme & Bosselutades

En quête du Sensible

C’est en fidèle disciple de la famille Achor que je vins écouter votre Achorisme ce mercredi 20 avril. Après plusieurs années de disette, mon anticipation était grande à l’idée de retrouver Jean-Paul et ses compagnons dans leur quête infinie pour la sensibilité la plus pure. Celle des interprètes… et celle du public. Je ne fus pas déçu car je retrouvais mes sensations intactes. Sensations que je vais tenter de formuler ici.

Alors que l’atmosphère caverneuse et glaciale du « Grand Amphi de Math » peut aisément anesthésier l’écoute et les zygomatiques au début des représentations, le velours de vos voix et l’humour de votre artisan nous enveloppèrent instantanément et ne nous quittèrent plus.

Mais comment font-ils pour irradier une telle chaleur dans cette grande cave presque vide ? pensais-je immédiatement. Leur nombre n’est pas impressionnant. Le nôtre non plus. Leur voix n’est pas imposante. D’ailleurs, ils n’imposent pas leur étincelle avec force et flamboyance, tel un orchestre ou un grand chœur. Leur feu est intérieur. Il couve, timidement, subtilement, léger et capricant parfois, mais sans faiblesse. Et vif ! Toujours, pour nous pénétrer plus intensément par vagues surprenantes et déconcertantes.

Comprenez-moi bien. Tout n’est pas lisse et parfait. Tout n’est pas réussi. Tout ne m’a pas coupé le souffle. Mon oreille, bien qu’acquise et bienveillante, n’en reste pas moins acérée. Mes commentaires ne sont ni flatterie simplette ni adulation aveugle. C’est sans doute ma sincérité parfois crue qui a poussé Jean-Paul à me demander de retranscrire les mots surgis en moi qui vos sons allais buvant. Car j’ai comme vous l’habitude de la belle musique. Je ne compte plus les concerts auxquels j’ai assisté ou participé, amateurs ou moins. J’ai maintenant « pratiqué » plusieurs chœurs. Appris de plusieurs chefs talentueux, inspirés et parfois inspirants. D’autres tours m’ont été montrés que ceux de l’espiègle Bosselut. D’aucuns apportent une précision clinique, d’autres la puissance et l’emphase. Parfois on s’attache à l’unité et à la qualité vocale de l’ensemble. Parfois on travaille la diction et le rapport au texte avec soin. Il m’a été permis de pousser davantage l’improvisation et ses trésors fortuits. Il y a un peu, plus ou moins, de tous ces ingrédients dans les recettes Bosselutiennes. Les plats interprétés par Achor sont complets et variés. Mais l’originalité de vos mélanges ne provient pas de la technique ou de la musicalité que l’on trouve aussi ailleurs, souvent.

Non, ce qui est miraculeux, c’est la sensibilité extrême qui transpire par tous les accords de vos chaudes âmes. Cette sensibilité cultivée par ses Bosselutades sans pareilles nourrit une finesse qui n’attend ni la précision ni la perfection.

Que vous interprétiez des pièces intimistes ou populaires, le toucher de votre son m’évoque celui d’une plume effleurant délicatement l’auditoire quand d’autres, pourtant musicalement habiles voire inspirés, utiliseraient de traditionnels crayons ou stylos. C’est pourquoi vous chatouillez affectueusement nos émotions, comme par accident, quand bien même la maitrise ne serait pas achevée. Les couleurs émergent gracieusement en courants entretissés. Puis elles se font plus prégnantes au détour d’un soufflet se gonflant par les gestes souples de l’équilibriste caracolant. Les rubatos échevelés se succèdent et tiennent l’auditoire en haleine devant des partitions qui pourraient pourtant aussi… plaire, gentiment, seulement. Même les silences, si difficiles à apprécier, prennent ici leur place en continuation de l’harmonie, tantôt ressort pour un élan impétueux, tantôt cédant comme un coussin moelleux.

Je m’arrête ici car j’ai déjà sans doute trop analysé ce qui, par essence, doit se ressentir. Mais vous voyez qu’il y a beaucoup à dire sur votre art, quand on a comme vous la sensibilité chevillée au corps… et la langue bien pendue.

Chaleureusement

Jérémy Basley

Concert : Samedi 28 mai à 17h30

Concert : Samedi 28 mai à 17h30

Retrouvez-nous à 17h30 à la Fac d’Orsay, Amphi Cartan, Bât 427 !

Concert au profit d’Amnesty International : dimanche 15 mai à 11h

Concert au profit d’Amnesty International : dimanche 15 mai à 11h

Retrouvez-nous à 11h à la salle de conférence de la grande Bouvêche d’Orsay !